12 novembre, 2005

La grammaire, une fin en soi ?

Depuis quelques semaines, je m'interroge sur la place de la grammaire dans les classes de français. Désirant offrir à mes élèves un enseignement de qualité, je me suis mise à lire et lire et lire et relire plusieurs textes sur la didactique de la grammaire. Et, je constate deux lignes de pensée dans ce domaine.

D'abord, il se fait beaucoup de grammaire dans les cours de français au Québec. (Voir : Pour un nouvel enseignement de la grammaire. Suzanne Chartrand. Ed. Logiques) Bien que certains se plaisent à dire que les jeunes d'aujourd'hui n'ont plus les cours d'autrefois et qu'ils écrivent mal, je vous assure qu'il se fait beaucoup de grammaire en classe! On peut en reparler longuement de ce sujet...

Il se fait donc beaucoup de grammaire dans les classes, même une grammaire des exceptions de la langue. Toutefois, il se fait très peu de rédactions. Et c'est exactement cet aspect de la question qui m'interpelle.

Ce qui motive mon questionnement, ce sont les quelques discussions que j'ai eues avec mes collègues au sujet de ma façon d'enseigner la grammaire en classe de français. Lors de ces rencontres, ma vision plus renouvelée s'opposait à toutes les autres plus traditionnelles. Et, depuis, je me tourmente et me questionne deux fois plus!

Dans ce débat, deux positions s'opposent. La première prône un enseignement traditionnel où les règles de grammaire, (mais surtout les exceptions), sont expliquées par le maître et réinvesties ensuite dans une myriade d'exercices. Ainsi, les cours de français servent principalement à faire passer des notions de grammaire. Ensuite, en cours d'année, les élèves effectuent une rédaction sommative par étape. On prend pour acquis que les élèves sauront faire le transfert et appliquer les notions lors des quelques rédactions.

La deuxième, celle que je préfère, valorise un enseignement de la grammaire fort différent de ce que la tradition valorise. D'abord, il préconise le décloisonnement des activités de grammaire et l'intégration de celles-ci dans un projet ou dans une situation d'apprentissage signifiante. De plus, il valorise un enseignement des grandes régularités de la langue (la logique de la langue) et de laisser les détails et les exceptions à monsieur Grevisse. En outre, cette maîtrise de la grammaire doit s'observer par le biais de plusieurs rédactions courtes ou longues effectuées en classe ou à la maison.
"As-tu pensé aux corrections ?"
"Oui, j'y ai pensé! Mais, il n'y a pas que le prof qui peut corriger" ????!@#$&**$@#!***
Ce matin-là, mes propos ont failli causer une crise cardiaque. La cocorrection, ce n’est pas pour tout de suite... Un dossier à la fois!

Ainsi, je préfère, de loin, faire écrire mes élèves et utiliser ces occasions d'écriture pour justifier l'emploi des notions de grammaire. L'élève peut davantage saisir l'utilité de ces règles puisqu'il doit concrètement les utiliser, et ce, quotidiennement. Mais... ça fait bien jaser....!

Dans mon entourage, il y a plusieurs sceptiques. Principalement, ce sont les parents. Parce que ces derniers ont déjà été élèves, ils jouent aux gérants d'estrade et exigent ce qu'ils croient être le meilleur en classe. Par exemple, je dois expliquer régulièrement pourquoi je ne fais pas de dictées! PARCE QUE JE N'Y CROIS PAS! (ça aussi, on pourrait en reparler longtemps) Je commence à être drôlement épuisée de justifier à tout le monde ce qui motive mes choix pédagogiques.

Pour d'autres, je suis complètement dans les patates, parce que (selon eux) il est impossible de faire écrire les élèves s'ils n'ont pas reçu tous les enseignements préliminaires aux principes de rédaction ou de narratologie. Quand je veux organiser un débat, on me dit que le discours argumentatif est enseigné au 2e cycle seulement, Quand je veux faire écrire un récit, on me dit que mes élèves n'ont pas vu telles notions, et donc, résultat, je veux construire à l'envers! Je leur parle des élèves de l'Institut St-Joseph, je leur dis qu'ils sont les meilleurs dans mes classes actuellement, parce qu'ils ont eu l'occasion d'écrire régulièrement. Oui, ils font des fautes, mais ils écrivent et progressent drôlement bien!

Je reste convaincue qu'on apprend son français en l'écrivant. Je suis certaine que faire de la grammaire pour faire de la grammaire ne sert strictement à rien. C'est comme avoir un coffre à outils, avoir un beau marteau, une belle scie, mais n'avoir aucune idée des étapes à suivre pour poser une tablette. Moi, je veux faire poser des tablettes par mes élèves !!!

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Un seul conseil: tenir bon, sans trop prendre les choses personnelles.

Je trouve ta position très saine, et la position de tes collègues plutôt aberrante. C'est assez incroyable que l'on passe son cours de français (qui a passé de 6 à 8 périodes, pour quoi déjà ?) à ne jamais écrire. Et je me souviens effectivement de formations que je donnais où il y avait des enseignants de français qui me disaient qu'ils ne pouvaient pas laisser leurs élèves écrire de courts textes, parce qu'ils faisaient trop de fautes et (donc) que c'était trop long à corriger.

Suffit de ne pas les corriger alors. Ou de ne pas les corriger toutes. Ou de corriger au hasard.

Scandale.

Mais pourquoi donc ???? Où est-ce que c'est écrit qu'il faut systématiquement corriger TOUT TOUT TOUT ce qu'un élève fait ?

Quant à ce que tu amènes sur "les patates" dont ont dit que tu es dedans, on a le même problème de compréhension (ou d'incompréhension) dans à peu près toutes les disciplines. En sciences, ça m'est souvent arrivé de rencontrer de telles discussions. Pourtant, les élèves sont à même de faire bien des choses sans avoir nécessairement toutes les micro-connaissances préalables. Pourquoi ? Entre autres parce qu'ils ne partent pas vides ces élèves. Ils en ont déjà des connaissances sur tout ça.

Ah, et aussi peut-être parce que ce qu'on leur enseigne correspond peu à la réalité des choses. J'ai rarement vu des textes argumentatifs (par exemple) dans les journaux qui suivaient la forme "imposée" par ce qu'on avait vu dans nos cours de français. À part peut-être lorsque la lettre est envoyée dans le cadre d'un cours ? :-)

Anonyme a dit...

C'est aussi ce que je dis qu'on apprend à écrire en écrivant. Mes élèves ont un cybercarnet et ils écrivent. Des erreurs, il y en a mais c'est une belle façon de faire un retour pour apprendre par nos erreurs. Je leur aide à prendre conscience du processus d'écriture. Voici ce que je donne comme explication aux parents et aux collègues. Ils acceptent bien maintenant. http://cahm.elg.ca/portfolios/Leselevesde1A//archives/2005_01.html

Anonyme a dit...

Quel blogue magnifique! Je me régale en te lisant. Je reconnais très bien mon conjoint, lui-même tout jeune enseignant... avec les défis, les questionnements, mais aussi le dynamisme et la réflexion continue que supposent l'entrée dans cette profession complexe.

Concernant l'enseignement de la grammaire, je te suggère d'écouter l'émission suivante:
http://www.radio-canada.ca/radio/emissions/document.asp?docnumero=20136&numero=1662, diffusée récemment à Radio-Canada.

Ce débat donne à réfléchir...